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"Des châteaux en enfer", de Vilma Fuentes : l'histoire véridique d'El Rey Lopitos

Critique - Article paru le 13 mars 2009 (Le Monde des Livres)
 

 

I l y a trois Acapulco. L'ancien, le nouveau et l'autre. Le premier, si l'on ne veut pas se perdre dans la nuit des temps, remonte au chemin de fer et au port des débuts du XX e siècle. Le deuxième ? Aux grands hôtels des années 1930 a succédé la construction des blocs de béton résidentiels qui barrent maintenant les plages. Dès 1950, la ville s'est étendue comme une gangrène moderne et propre.

"Les hommes , écrit Vilma Fuentes, accouraient chaque jour plus nombreux (...) , en quête de travail et d'argent. Ils arrivaient mais ne repartaient pas. (...) Et après eux venaient leurs femmes chargées de marmots (...) . Chacun s'emparait d'un morceau de terre rouge où élever les quatre murs de carton et de palme d'une cahute. (...) Une chose était sûre, en effet : tous voulaient y rester. Comme si cette gigantesque fourmilière de bandits, de mendiants, de tueurs et de toute la racaille qui pouvait venir d'ailleurs était vraiment le paradis, et non le bordel de luxe que construisaient (les promoteurs) autour de la baie."

Voilà la troisième ville. Le décor est planté. Un homme va régner sur cette autre cité, sur ce peuple de crasseux et de dépenaillés. Un homme qui leur ressemble, Alfredo Lopez Cisneros, dit "El Rey Lopitos ". Chef des brigands et défenseur des pauvres, il sera assassiné le 4 août 1967. On se doute pourquoi.

Vilma Fuentes revient à cette histoire (vraie) dont elle s'était déjà emparée, en une "version courte", dans un précédent livre ( King Lopitos , Les Allusifs, 2001), mais ici elle l'étoffe, elle l'étend. L'emmène au bout d'un roman presque naturaliste porté par une poésie violente faite d'évidences noires et d'intuitions. Le tueur de Lopitos est maintenant bien âgé. Concierge à Mexico dans un jardin d'enfants, il remonte ses souvenirs. Réinvente au besoin. La première fois, tiens, qu'il l'avait rencontré, l'autre n'avait que 15 ans et était arrivé "avec un orgueil trop grand pour lui" sans billet de retour à la gare routière. Et puis l'adolescent avait pu s'installer un étal de poissons sous le marché couvert. Des policiers véreux réclamaient des pots-de-vin. Ça s'était mal passé. Il les avait tués à coup de revolver. Et s'était retrouvé hors-la-loi à jamais. Truand surtout. Chef de clan. Chef de bande. On mélange les bribes. On bouscule les années. Son destin s'était scellé le jour où, pour dégager les terrains, les hommes de main des promoteurs avaient, en déversant des milliers de litres d'essence, transformé les quartiers pauvres en brasier. Avec l'aide de ses brigands, Lopitos avait aidé les habitants terrorisés et les avait armés pour qu'ils réoccupent leur terre. Oui, il était "El Rey" .

Le livre tient aussi la peu ragoûtante chronique immobilière d'Acapulco et dénonce les violences et les compromissions. Car l'aventure n'est pas que romantique. Des châteaux en enfer s'inscrit dans une réalité sociale qui est au centre même du travail de Vilma Fuentes. Fille du journaliste mexicain Roberto Hernandez Hinojosa, journaliste elle-même, elle a très tôt compris le pouvoir des mots, leur force et leur danger. Ses premiers livres traduits en sont le témoignage. Ils viennent d'être réédités. La Castañeda (1) raconte le chagrin sidérant et la désillusion qui ont suivi le mouvement de révolte étudiant au Mexique et le massacre de la place des Trois-Cultures en 1968. Gloria (2) est comme un long adieu avant l'exil. Vilma Fuentes, depuis plus de trente ans, vit à Paris...

DES CHÂTEAUX EN ENFER (CASTILLOS EN EL INFIERNO) de Vilma Fuentes. Traduit de l'espagnol (Mexique) par Jean-Marie Saint-Lu. Actes Sud, 332 p., 21,80 €.

(1) Traduit de l'espagnol (Mexique) par Ugné Karvelis. La Différence, "Minos", 316 p., 10 €.

(2) Traduit de l'espagnol (Mexique) par Virginie Gatti et Maxime Gaffiero. La Différence, "Minos", 282 p., 10 €.

Xavier Houssin